NFT et postérité – Terrain miné ?

Le développement du digital et l’émergence des crypto-actifs a soulevé de nombreux questionnements autour du traitement juridique et fiscal de leur cession à titre onéreux. Et pour cause ce sujet concerne d’ores et déjà tout détenteur de crypto-actifs et particulièrement de NFT.

Un NFT, ou jeton cryptographique non fongible (i.e. qui ne peut être remplacé par une chose de même nature) – de l’acronyme anglais « Non Fungible Token » – est un procédé d’identification qui garantit la propriété d’un bien numérique. Etant non fongible, il est unique et ne peut avoir qu’un seul propriétaire en même temps. Il permet de justifier un achat et de garantir son authenticité. De façon plus pratique, un NFT est une suite de caractères inscrits dans un portefeuille qui peut être physique ou numérique, appelé wallet. Le détenteur de NFT possède un mot de passe unique et une clé privée permettant d’accéder au wallet de la blockchain où ses NFT sont stockés. Lorsque le wallet est physique – on parle alors d’hardware wallet – le détenteur possède un boîtier,  sécurisé par un mot de passe, sur lequel sont stockées ces clés privées.

Aujourd’hui, le NFT est encore pour certain un objet de curiosité, l’équivalent d’une spécialité culinaire très exotique que l’on goûterait d’abord du bout des lèvres, avec un peu d’appréhension. Mais c’est aussi pour beaucoup un véritable support d’investissement dont la valeur peut être conséquente. Or, en matière d’investissement, prospérité et postérité vont souvent de pair. Aussi, ces détenteurs de NFT – bien qu’appartenant en majorité à cette génération de l’immédiat – s’ils souhaitent véritablement investir et ce de façon durable en vue de constituer un patrimoine, devront penser à demain.

Note à moi-même : penser à demain (URGENT)

A l’instar des dirigeants d’entreprise qui ont de plus en plus conscience aujourd’hui de la nécessité d’anticiper les événements de la vie qui auront un impact sur leur entreprise et plus largement sur leur patrimoine, à savoir une incapacité, un divorce, ou un décès, les détenteurs de NFT doivent être accompagnés.

En effet, si l’émergence des crypto-actifs et leur succès s’expliquent en partie par le désir de ces détenteurs de s’affranchir des intermédiaires et des institutions, cette grande liberté fait peser sur eux une lourde responsabilité – puisqu’ils sont seuls responsables de la détention de leurs NFT, de leur sécurisation et de leur transmission.

Or, plusieurs études montrent déjà que les consciences ne sont pas suffisamment éveillées sur ces sujets. En 2020, une étude diligentée par le Cremation Institute indiquait que 90% des détenteurs de crypto-actifs étaient inquiets sur le devenir de leurs avoirs après leur décès. De même, la société Coincover alertait en 2017 sur le fait qu’environ 4 millions de bitcoins seraient hors circulation après la mort de leur propriétaire.

La pérennisation du patrimoine numérique implique d’éduquer et d’informer les détenteurs et leur entourage afin de les sensibiliser aux enjeux auxquels ils seront confrontés tout ceci pour éviter l’évaporation de leurs actifs.

Cela passe évidemment par l’information de l’entourage sur l’existence même de ces actifs qui, par essence, sont non tangibles et pourraient disparaître au décès de leur détenteur s’ils ne sont pas connus des proches. Cette même réflexion avait concerné dans le passé les contrats d’assurance-vie qui, lorsque les bénéficiaires n’avaient pas conscience de la désignation faite à leur profit, se perdaient dans la nature au décès de l’assuré et venaient grossir l’enveloppe des contrats en déshérence.

Mais, en raison de leurs spécificités, informer sur l’existence même de ces actifs ne suffit pas. En effet, un NFT n’est pas un actif classique et les repères ne sont pas les mêmes, notamment en terme de valorisation. Classiquement, une œuvre d’art a tendance à prendre de la valeur avec le temps, alors qu’un NFT peut n’être qu’éphémère.

L’enjeu est donc d’anticiper afin d’éviter une déperdition de ce patrimoine numérique d’une génération à l’autre mais surtout de valoriser ces actifs.

NFT – cher à votre coeur mais que vaut-il vraiment ?

A ce jour, aucun système de cotation des NFT ne fait autorité, toutefois plusieurs critères sont appréciés et se combinent pour estimer la valeur d’un NFT, à savoir notamment :

  • la valeur de l’actif sous-jacent : un NFT représente en effet un titre d’identification et de propriété exclusive d’un actif qui peut être réel (exemple : un tableau de Picasso – la valorisation est alors plus aisée) ou virtuel (la valorisation est alors plus incertaine) ;
  • l’effet rareté et l’effet diffusion – l’actif sous-jacent peut faire l’objet d’une diffusion libre et très étendue mais le détenteur d’un NFT reste le seul et unique propriétaire de l’actif ou d’une part de cet actif, la combinaison de ces deux effets a nécessairement un impact sur la demande du token et donc sa valeur ;
  • l’effet collection : un token peut faire partie d’une collection et sa valeur est alors liée au marché des collectionneurs ;
  • l’effet démocratisation et accessibilité : les NFT rendent possible l’acquisition de parts ou unité d’actifs de forte valeur jusqu’ici réservés à une certaine clientèle.

Aussi, la valorisation d’un NFT suivra souvent l’évolution du marché – qui est nouveau, peu mature et sur lequel les investisseurs ont peu d’expérience et de recul.

NB : lorsque l’actif sous-jacent du token est un bien immobilier, quid de l’impact en matière d’IFI ? Cette question reste à ce stade en suspens.

Des réponses sont toujours attendues en matière de valorisation, mais également en matière de sécurisation de la transmission, laquelle sera le défi des intermédiaires concernés et tout particulièrement des notaires qui auront en charge de conserver le testament. Des acteurs se sont d’ailleurs déjà positionnés sur ce marché.