Tempête Trump : l’important c’est la chute
avril 2025
07 AVRIL 2025 – Après des semaines d’incertitude sur les droits de douane ayant secoué les marchés, les partenaires commerciaux et les entreprises américaines, le président Donald Trump a annoncé le 2 avril un plan tarifaire d’une ampleur inédite, bien au-delà des attentes des analystes. La réaction des marchés a été instantanée : la quasi-totalité des places boursières ont chuté violemment. Nous souhaitons vous partager notre analyse et les bénéfices de notre ultra prudence sur les portefeuilles de nos clients.
Comme nous l’écrivions dans notre revue des marchés du 24 mars : “NOUS N’AVONS JAMAIS ETE AUSSI PRUDENTS SUR LES MARCHES”, ce qui nous a conduit dès le 14 mars à une exposition actions minimale dans nos portefeuilles multi-actifs Total Return Réalisateurs (Chaplin, Leone, Spielberg, Miyazaki, Eastwood). L’expérience montre que c’est dans ces périodes de forte volatilité que se construisent les performances de demain.
Un plan tarifaire hors norme
Le plan annoncé par Trump impose un tarif de base universel de 10% sur toutes les importations, ainsi que des droits de douane renforcés sur 60 pays avec lesquels les Etats-Unis enregistrent des déficits commerciaux significatifs. Certains de ces droits dépassent 50%. Parmi les plus notables :
- 54% sur les importations chinoises (34% de nouveaux droits ajoutés aux 20% existants)
- 46% sur le Vietnam
- 32% sur Taïwan, leader mondial des semi-conducteurs
Contrairement à une idée reçue, les droits de douane ne sont pas payés par les pays exportateurs, mais par les entreprises américaines importatrices, qui les répercutent souvent sur les consommateurs. Le risque de baisse de la consommation, de destruction d’emplois et de ralentissement économique est donc réel.
Les marchés ont réagi très négativement. Toutes les places sont en forte baisse depuis l’annonce avec des indices qui sont entrés dans une phase de correction.
Cette annonce marque le début d’une expérience économique inédite depuis près d’un siècle. La plupart des économistes estiment qu’elle déclenchera une guerre commerciale mondiale, synonyme de hausse des prix, de ralentissement de la croissance et de montée de l’inflation. D’ailleurs la Chine a riposté immédiatement en appliquant 34% de tarifs douaniers sur les importations américaines. Mais la Maison Blanche pense, au contraire, que ces mesures transformeront fondamentalement l’économie américaine avec des effets positifs à long terme. Quelque soit l’issue, ce plan tarifaire devrait avoir un impact profond sur l’économie mondiale, les marchés et les décisions de politique monétaire de la Réserve Fédérale dans les mois à venir.
Un levier de négociation ?
Ces droits pourraient n’être qu’un levier de négociation. Trump peut en effet réduire ces tarifs si les pays concernés acceptent d’abaisser leurs barrières commerciales. L’administration américaine affirme que plus de 50 pays auraient déjà manifesté leur volonté de négocier.
Bien que le président ait démontré plus d’une fois sa capacité à procéder à des revirements politiques, son discours sur l’intérêt des tarifs douaniers pour faire baisser la dette américaine, réindustrialiser le pays et réduire la fiscalité ne date pas d’hier. Des ajustements sont donc possibles mais un tarif de 10% minimum lui, semble destiné à rester en place durablement.
Une onde de choc sur les marchés
L’indice VIX, indicateur de la volatilité du marché américain a bondi de 74% en une semaine. Les actions mondiales s’effondrent, tandis que les obligations sont recherchées. Aux Etats-Unis, en raison d’une inflation persistante et de la bonne tenue de l’économie américaine, les taux longs américains étaient restés au delà des 4% pesant sur le coût de la dette et le crédit immobilier.
L’objectif de Trump est clair : faire baisser ces taux et force est de constater qu’il y arrive. Les investisseurs obligataires perçoivent en effet ces droits de douane comme une forme de taxe, freinant la consommation et la croissance. Les rendements ont fortement baissé, et la courbe des taux commence à s’inverser. Les bons du Trésor américain restent perçus comme une valeur refuge, malgré l’incertitude sur le relèvement du plafond de la dette et l’adoption d’un budget massif incluant baisses d’impôts et coupes budgétaires.
La Fed, qui a maintenu son taux directeur inchangé lors de ses deux réunions cette année, pourrait abaisser ses taux plus tôt que prévu si l’économie faiblit. Sa prochaine réunion aura lieu les 6 et 7 mai et sera scrutée de très près. Une baisse des taux n’était pas anticipée si tôt mais désormais cette éventualité n’est plus mise de côté. Il est possible qu’elle affiche une certaine prudence vis à vis des mesures dites inflationnistes de l’administration Trump. De plus, comme l’a montré le rapport de l’emploi publié récemment, le marché de l’emploi se porte pour l’instant très bien. Le mois dernier, aux Etats-Unis, 228 000 emplois non agricoles ont été créés contre un consensus qui était de 140 000. Le taux de chômage est passé à 4.2% avec un taux de participation en forte progression. Ce qui devrait continuer à alimenter la prudence de la Fed vis à vis de l’inflation.
Il est attendu que de l’autre côté de l’Atlantique, la Banque Centrale Européenne baisse ses taux plus rapidement avec trois baisses de taux attendues cette année.
Ce qui fait la différence
Un client nous confiait récemment : “Vous êtes bons dans les baisses, en fait”. Cela nous a fait sourire car c’est précisément dans ces moments que notre approche se déploie pleinement.
Nous avons par contre une volonté de refléter complètement nos convictions et de gérer nos portefeuilles multi-actifs Réalisateurs en Total Return, c’est à dire que nous pouvons si nous en sommes convaincus réduire la part actions à une position infime de nos portefeuilles même les plus dynamiques.
C’est ce qui s’est passé mi-mars, où après avoir fortement surpondéré les marchés actions Européens, nous avons pris la décision de sortir de manière quasi-complète des marchés actions. Plusieurs raisons nous ont amené à cette décision :
- L’incertitude autour des politiques de l’administration américaine
- Le ralentissement de la consommation aux Etats-Unis
- La forte concentration du marché autour des valeurs techs
- Les tensions géopolitiques persistantes avec le peu d’espoir d’une pacification du conflit Russie / Ukraine
- Les enquêtes d’opinion aux Etats-Unis montrant une chute de confiance des grands dirigeants américains (plus bas depuis novembre 2022)
- Les impacts du DOGE sur l’emploi (des centaines de milliers d’emploi dans le privé dépendent des établissements publics)
Cette posture nous met dans une position confortable avec un effet quasi-nul des baisses des marchés actions sur les portefeuilles multi-actifs Réalisateurs. Seuls nos portefeuilles 100% actions (Tarantino et PEA) sont affectés par la chute des marchés. Vous trouverez ci-dessous le tableau d’exposition des portefeuilles avec les principales thématiques mises en place ou renforcées depuis mi-mars :
Portefeuille |
Exposition actions en phase normale |
Exposition actions depuis le 14 mars 2025 |
Thèmes/Segments favorisés |
Chaplin Sécuritaire, Trésorerie, 60%Euro+/40%UC |
9% |
1% |
Fonds euros, Obligations Euro Etat Long terme, Performance absolue Long/Short, Performance absolue Volatilité, Obligations Indexées Inflation Monde, Obligations Euro Secteur Privé |
Leone Prudent, Miyazaki 3 Prudent |
18% |
2.5% |
|
Spielberg Equilibre, Miyazaki 4 Equilibre |
45% |
6% |
Fonds euros, Obligations Euro Long Terme, Performance Absolue Long Short, Allocation Flexible Monde, Allocation Flexible Europe |
Eastwood Dynamique |
67% |
9% |
Fonds euros, Allocation Flexible Europe, Allocation Flexible Monde, Allocation Flexible Prudent Europe, Allocation Flexible Prudent Monde, Obligations Monde, Performance absolue volatilité, Performance absolue Multi classes d’actifs, Monétaire euro |
PERP Dynamique |
67% |
9% |
Fonds euros, Allocation Flexible Prudent Europe |
Tarantino |
100% |
100% |
Actions Europe Petites et Moyennes Valeurs, Actions France Petites et Moyennes Valeurs, Actions Secteur Environnement, Actions France, Actions Europe Value, Actions Bear |
PEA |
100% |
100% |
Actions Europe haut dividendes |
Performances sur la semaine de nos fonds :
De nombreux fonds, coeurs de portefeuilles, ont joué leur rôle défensif :
- Amundi Volatility World : +2.0%
- JPMorgan Europe Equity Absolue Alpha : -0.7%
- iShares – Government Bonds 5-7yr : +0.6%
- AXA WF Global Inflation Short Duration Bonds : +0.3%
- AXA Euro 7-10 : +0.6%
- Private Bank Funds – Access Balanced Fund : +0.7%
- Maxima : +0.7%
- Swiss Life Funds Opp High Yield 2028 : +0.1%
- JPMorgan Income : -0.1%
- Keren Corporate : +0.0%
- GF Ambition Solidaire : -0.9%
- Invesco Sustainable Allocation : -2.5%
- LMdG Opportunites Monde 50 : +0.5%
- HSBC Europe Quality Income : +0.8%
Ainsi nous sommes aujourd’hui dans une position confortable où notre principale question n’est pas de savoir s’il faut vendre mais quand acheter.
Et maintenant ?
Comme le montre l’indice Fear & Greed (indicateur composé de plusieurs mesures sur la dynamique du marché, la volatilité, le rapport entre les options de vente et options d’achat,…), nous sommes désormais entrés dans un moment de panique des marchés.
Dans sa lettre aux actionnaires en 1986, Warren Buffet écrivait “ We simply attempt to be fearful when others are greedy and to be greedy only when others are fearful”. (“Nous essayons simplement d’avoir peur quand les autres sont avides, et d’être avides quand les autres ont peur.”). Si on en croit cet indice, alors il serait temps d’être…avides.
Alors est-ce que le crash actuel est une opportunité d’achat ?
Un vieil adage de Wall Street affirme que les marchés actions anticipent l’économie d’environ six mois. Bien que ce ne soit pas un indicateur infaillible, le marché réagit aux attentes des investisseurs concernant les bénéfices futurs des entreprises, l’activité économique, les taux d’intérêt et l’inflation. Lorsque le sentiment évolue en raison de craintes sur l’un de ces paramètres, les prix des actions ont tendance à baisser, reflétant une révision des perspectives de croissance.
Les corrections boursières ne signalent pas toujours une récession, mais elles précèdent souvent les grandes récessions américaines (2000, 2008).
Il existe indéniablement un scénario très baissier lié aux droits de douane draconiens imposés par l’administration Trump. La hausse des coûts sur les biens et services entraînera une destruction de la demande, aussi bien du côté des producteurs que des consommateurs, conduisant à un ralentissement marqué de la croissance économique. Cet impact ne doit pas être sous-estimé, car il influence directement les bénéfices des entreprises – et donc la question cruciale : le krach boursier est-il proche de son terme ?
Plusieurs analystes de Wall Street ont revu leurs estimations de bénéfices à la baisse. Typiquement, Goldman Sachs a abaissé sa prévision de croissance des bénéfices du S&P 500 pour 2025 passant de 7% à 3% suite aux effets négatifs des droits de douane.
Afin d’identifier le potentiel de baisse, on peut appliquer un multiple de valorisation au marché pour estimer un niveau d’équilibre post-krach. Le krach actuel a déjà fait baisser sensiblement les valorisations. Si le marché exige des multiples de résultats plus proches de leurs moyennes historiques sur 20 ou 30 ans, une poursuite de la baisse reste possible. Comme le montre le graphique ci-dessous, un retour du multiple vers 18-19x entraînerait une baisse du S&P 500 entre -13% et -17.5%.
Aujourd’hui la question de savoir si nous sommes devant une opportunité d’achat est complexe car nous faisons face à de nombreuses inconnues. Rien n’est jamais garanti sur les marchés. Mais, comme au blackjack, certaines configurations présentent une probabilité plus élevée de réussite. Si vous avez 20 points en main, la probabilité que le croupier gagne est faible – mais pas nulle.
La même logique s’applique ici : après le krach récent, la probabilité d’un rebond à court terme est désormais supérieure à celle d’une poursuite immédiate de la baisse.
Il n’en faudra pas beaucoup pour que les marchés repartent, un catalyseur pourrait déclencher un rebond dès la semaine prochaine. On peut en citer quelques-uns:
- La publication de résultats d’entreprises supérieurs aux attentes
- Un retour à la négociation avec un abaissement substantiel avec les pays “clés” des droits de douane
- Le fléchissement du marché de l’emploi US donnant du lest à la Fed pour reprendre sa baisse des taux
- Des taux longs durablement bas favorisant l’investissement et les transactions notamment immobilières.
Notre position
Notre prudence nous place dans une posture de force car nous sommes pratiquement sortis des marchés actions avant le krach. Toutefois, il est pour nous fondamental de continuer à suivre la situation et à ajuster nos portefeuilles si besoin. Le retournement de marché se fera à un moment donné, et cela devra nous amener à reconfigurer nos allocations et à certainement redevenir agressif sur les marchés avec une réduction des obligations notamment.
Nous pensons que cette correction est la bienvenue et qu’elle offrira des opportunités pour nous repositionner et notamment sur les Méga Tech américaines qui s’échangent désormais à un plus bas de valorisation en relatif par rapport aux autres valeurs du marché depuis dix ans. Nous continuerons de nous appuyer sur notre discipline d’allocation, à travers une combinaison rigoureuse d’analyse de sentiment, analyse technique et des fondamentaux. Cela ne garantit pas un achat pile au plus bas, mais ces outils sont infiniment plus fiables que les émotions.
Acheter dans les creux est toujours difficile. Mais c’est dans ces moments que la performance de demain se construit. Cela ne peut se faire que par la confiance que nos clients nous accordent pour travailler en sérénité.
Alors Merci !

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